jeudi 18 octobre 2012

Crozet ?!


Oui, les crozets sont bien de petites pâtes savoyardes carrées faîtes à base de farine de sarrasin, mais dans le cas présent, c'est aussi et avant tout le nom de l'archipel où je vais passer l'année qui vient.
Cet archipel du sud de l'Océan Indien, composé de cinq îles volcaniques, constitue l'un des cinq districts des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

Drapeau des TAAF
Armoiries des TAAF
D'une superficie de 352 km2, ces îles se situent entre les latitudes 45°95' et 46°50' Sud et les longitudes 50°33' et 52°58'Est. Vous cherchiez les quarantièmes rugissants? Vous y êtes, et en plein dedans... Le voyage en bateau pour y parvenir s'annonce légèrement mouvementé...
L'archipel est divisé en deux groupes d'îles, distants d'environ 110 km. Le groupe occidental comprend les Cochons, les Apôtres et les Pingouins, groupe appelé Îles Froides par Marion-Dufresne, lors de leur découverte en 1772. Le groupe oriental comprend l'Île de la Possession et l'Île de l'Est.

C'est sur l'Île de la Possession (46°24'S; 51°46'E) que se trouve la seule population humaine de l'archipel, à savoir la base Alfred Faure (directeur de la mission de 20 personnes chargées de construire la base), base scientifique permanente établie en 1964. Cette base est construite sur la côte orientale de l'île, à l'abri des vents d'Ouest dominants. Elle est située sur un plateau, à une altitude moyenne de 130 mètres, au sud de la baie du Marin, qui constitue l'un des seuls points de débarquement de l'île. Chaque année, une vingtaine d'hivernants est hébergée sur la base, dont les bâtiments représentent une surface totale de 2500 m2 (pour ceux qui pensaient que j'allais vivre seul dans une cabane de planches sur un caillou à manger des moules crues, ce n'est pas tout à fait ça !). Une soixantaine de personnes peut y séjourner durant la campagne d'été.
La base est desservie par le Marion Dufresne, au départ de l'Île de la Réunion, distante de 2860 km (6 jours de trajet).

L'île de la Possession, la base et les cabanes

Frenot et al. 2001

En ce qui concerne le climat...

Les îles Crozet ne sont pas gelées en général. Les précipitations y sont très abondantes. Comptez en moyenne entre 2500 et 3200 mm par an, alors qu'en comparaison Brest est à environ 1200 et Paris 650mm. Il pleut en moyenne 300jours par an, et, 100 jours par an, les vents y dépassent les 100 km/h. Au niveau de la mer, les températures (sans vent) peuvent atteindre les 20°C en été et descendent rarement en dessous de 0°C en hiver. (A vérifier !)

Environnement :

Les îles Crozet sont classées réserve naturelle depuis 1938. Cette protection a été renforcée en octobre 2006 par la création de la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, qui inclut également les espaces naturels des districts des îles Kerguelen et de Saint-Paul-et-Amsterdam. Aux îles Crozet, la nouvelle réserve naturelle nationale porte sur l'intégralité des espaces terrestres, ainsi que sur les eaux territoriales à l’exception de celles de l’Île de la Possession. Sur l'Île de l'Est, l'Île aux Cochons, l'Île des Pingouins, ainsi que sur les Îlots des Apôtres, la protection prend la forme d'une réserve intégrale, où seules les activités liées à la recherche scientifique et technique sont autorisées.
L’introduction d’espèces étrangères (des souris, des rats, puis des chats utilisés pour les chasser) a causé de graves dommages à l’écosystème originel, en raison notamment de la prédation exercée sur les œufs et les petites espèces de pétrels. Les cochons introduits jadis sur l’île aux cochons et les chèvres amenées sur l’île de la Possession (à chaque fois comme source de nourriture) ont été exterminés. Les espèces végétales introduites sur l’île, volontairement ou non, comme le pissenlit ou la sagine, prolifèrent souvent au détriment des espèces locales.
La légine

Parmi les problèmes actuels, on trouve la pêche illégale de la légine par des armements non autorisés. Cette pêche menace la population de légine, mais également les populations de pétrels et d'albatros, victimes accidentelles des palangres, ainsi que la population d'orques parfois chassées à la dynamite. Les eaux des îles Crozet sont régulièrement surveillées par un navire de la marine française, l'Albatros, parfois également par Greenpeace.
Les îles Crozet abritent quatre espèces de manchots, surtout des gorfous dorés (4 millions d’individus, également appelé gorfou macaroni) et des manchots royaux (sous-espèce patagonicus). Le gorfou sauteur et le manchot papou sont également représentés.

Gorfou doré

Parmi les autres animaux vivant sur les îles Crozet, on trouve d'autres oiseaux marins : pétrels (pétrels géants, pétrels à menton blanc, petits pétrels), albatros (albatros hurleurs, albatros à tête grise, albatros à sourcils noirs, albatros à bec jaune, albatros fuligineux), skuas, goélands dominicains, et des mammifères marins : otaries, éléphants de mer, orques.


Un peu d'Histoire...

Les îles Crozet furent découvertes par l’expédition de l’explorateur français Nicolas Thomas Marion-Dufresne qui fit débarquer son second Julien Crozet sur l’île de la Possession le 24 janvier 1772. Crozet prit alors possession de l’archipel au nom de la France. Le capitaine britannique James Cook nomma ces îles d’après Julien Crozet, ayant également donné le nom de Marion-Dufresne à l’île Marion voisine de celle du Prince-Édouard.
Au début du XIXe siècle, les îles Crozet étaient souvent visitées par des chasseurs de phoques, provoquant leur quasi disparition vers 1835. Après cette date, la chasse à la baleine fut la principale activité menée autour de l’archipel, particulièrement par les baleiniers du Massachusetts, aux États-Unis.
Les naufrages étaient fréquents aux abords des îles Crozet. Le chasseur de phoques britannique Princess of Wales coula en 1821 et les rescapés du naufrage passèrent deux ans sur les îles. En 1887, le navire français Tamaris coula et son équipage se réfugia sur l’île aux Cochons. Ils attachèrent une note à la patte d’un pétrel ; la note fut trouvée sept mois plus tard à Fremantle en Australie, mais les naufragés ne purent être sauvés. La fréquence des accidents maritimes autour des îles était telle que la Royal Navy y envoyait de temps en temps un navire (à intervalles de quelques années) pour récupérer d’éventuels survivants.
Après 1923 et l’affirmation de sa souveraineté, la France administre les îles Crozet comme une dépendance de Madagascar, mais elles deviennent un district des Terres australes et antarctiques françaises en 1955. En 1961, une première mission a lieu sur l'île de la Possession. En 1963, la base permanente est construite au-dessus du site de Port-Alfred, elle reçoit en 1969 le nom d'Alfred Faure (chef de la première mission). Les scientifiques y réalisent des recherches en météorologie, biologie, géologie, magnétisme terrestre et sismographie.



mardi 9 octobre 2012

Le séminaire de l'IPEV




Du 1er au 5 Octobre dernier eut lieu le traditionnel séminaire de l'IPEV, séminaire pendant lequel les hivernants des quatre districts subantarctiques et antarctiques sont réunis pour se rencontrer et recueillir quelques (nombreuses) informations avant leur départ.
Comment vous dire...Vous connaissez ces films où l'on monte une équipe d'experts de tous horizons afin qu'ils mènent à bien une mission de la plus haute importance ? Oui ? Et bien le séminaire de l'IPEV, c'est le rassemblement de ces experts avant qu'ils ne montent dans leur navette spatiale ! Ils étaient tous là, les ornithos, les magné-sismo, les ecobio, les informaticiens, les cuistots et les médecins, les ouvriers qualifiés... Autant de nouvelles têtes et de personnalités à essayer de rencontrer sur une courte semaine, mais qu'on ne peut au final que survoler, avant de passer au vif du sujet avec une poignée d'entre eux, qui partageront mon quotidien extraordinaire et surnaturel pour les 13 mois à venir... Cela dit, ça peut aussi ressembler à Koh Lanta...

Imaginez le pitch... Générique... (tin tinlin tin tin, tin tinlin tintin...) (Avec la voix de Denis Brogniart, of course) Dans un archipel lointain perdu dans l'Océan Indien, au nom aussi exotique que mystérieux du nom de TAAF, trois îles inhospitalières, peuplées de créatures étranges et sauvages, accueillent depuis plus d'un demi siècle des missions d'études scientifiques, laissées sur place par le vaisseau ravitailleur Marion Dufresne lors d'une de ses quatre missions annuelles...Amenant ces naufragés volontaires ( au passage il n'y a que dans Koh Lanta que tu peux entendre un truc tel que naufragé volontaire... enfin..) pour assurer la relève de la mission précédente, il récupérera les différentes tribus un an plus tard. Amsterdam, Crozet, Kerguelen, et Terre Adélie... Sur Crozet (3200mm de pluie en moyenne sur l'année), la plus humide d'entre elles, vivent plus de 25 millions d'oiseaux... Au milieu de ces dinosaures à plume, la base scientifique Alfred Faure lutte contre les vents et les pluies, accrochée à la roche volcanique de cette île à la nature indomptable... Rajoutez des images de chou de Kerguelen, de manchots féroces et indomptables (ça aussi Denis brouillard il aime bien...) plongeant dans l'eau et une orque mangeant un phoque, vous tenez votre générique...

Etudes des plantes et des invertébrés, du magnétisme terrestre, des oiseaux de mer, des manchots... Chacun d'entre nous a sa mission, son propre délire et sa culture scientifique, qui va le tenir occupé jour après jour, mois après mois, pendant un an !

Pour revenir au séminaire, je ne vais pas trop en révéler ici, au cas où de futurs hivernants passeraient par là, afin d'éviter le spoil et de leur laisser le plaisir de découvrir cette semaine particulière où nos missions, jusqu'alors virtuelles et pour le moins lointaines, prennent le dernier virage de la route, et où bout de cette route, on commence à apercevoir, avec un mélange de fébrilité, d'excitation et une pointe d'inquiétude, un bateau, et encore plus loin, une île lointaine. C'est un très bon moment à passer, comme dit plus haut on y rencontre un tas de gens, les responsables de l'IPEV avec qui tu as pu communiquer ces derniers mois, soit par mail soit par téléphone, et avec qui tu vas communiquer les mois suivant, prennent un visage, et ça c'est cool :)
On prévoit tout un tas de trucs et d'activités à faire sur place, si on arrive à en faire ne serait-ce qu'une, ce sera déjà bien...
Winter is coming, on s'en approche...


lundi 8 octobre 2012

Les malles...



Le passage de la préparation des malles est certainement l'épisode le plus drôle, le plus excitant, mais aussi un des plus stressant de la préparation de l'hivernage. L'IPEV autorisant l'hivernant à emporter avec lui trois cantines métalliques standard, pour un poids total maximal de 120kg, ça laisse une marge de matériel personnel et autres friandises assez conséquente, une fois le très onéreux matériel empaqueté !

Qu'emmener? Du matériel ? De quoi manger ? Des tas de vêtements? Et si j'oubliais quelque chose? Est-ce qu'Amazon livre dans les Terres Australes ? De quelle couleur prendre mon bonnet si ma gore tex est jaune et mon pantalon bleu ? Tu te poses des tas de questions, à mesure que le temps d'envoyer ta malle approche, et que ta carte bleue crie grâce...
Le passage au supermarché, avec ton caddie rempli de bouteilles de shampoings, de gel douche, tes dix tubes de dentifrices, sirops... est quasi inévitable et particulièrement sympa... Quand tu arrives en caisse après avoir eu une crise de "et si je prenais ça, et ça aussi, ah ça c'est en promo tiens, je le prends aussi...", et que tu vois les yeux de la caissière se demander sur quelle planète tu pars quand elle passe des six bombes de mousse à raser aux quinze paquets de TUCS, tu as envie de répondre à cette question muette, non exprimée... Je pars 13 mois dans les îles subantarctiques madame...
L'achat des malles en lui même est une aventure ! Trois malles d'un mètre de long sur quarante de large, transportées sur deux caddys parcourant les rayons du Carrefour, ça en fait s'exorbiter des yeux !

Les malles se remplissent presque toutes seules, en fait... et à mesure que tu déambules dans ton chez toi, tes bras se chargent de tout un tas d'objets, que tu projettes d'emmener "parce qu'on sait jamais.., au cas où... et parce que de toute façon j'ai la place..."
Une malle pour les vêtements, où tu mets tes gore tex plaqués or, chaussures, guêtres  tes douze paires de gants en soie, ton duvet.. Une autre pour la nourriture, produits de douches... Et une dernière, la malle bibliothèque, avec ses quinze kilos de bouquins, matériel et papeteries... Utiliserai-je seulement la moitié de tout ça? Pour la nourriture je ne me fais pas de soucis, pour le reste, on verra ! ;)

Winter is coming, et j'ai de quoi l'affronter (enfin j'espère...) !